C’est une activité physique simple, une sortie douce, discrète, presque anodine. Dans un monde qui va trop vite, aller marcher offre un autre rythme, une autre respiration ; si l’on est seul·e, un espace entre soi et soi hors du tumulte quotidien et loin des tâches domestiques, familiales ou professionnelles à accomplir. Cette expérience intime mais aussi sensorielle permet de voir ce que l’on ne voit plus, une fleur en bord de route, un arbre, les saisons passer. Et si cette échappée belle, « loin des routines de pensée ou d’existence » selon les mots du sociologue et anthropologue du corps David Le Breton, à priori perçue comme un luxe de nos sociétés occidentales, était en réalité une nécessité ? Aujourd’hui, nous passons en moyenne 12 heures assis les jours travaillés et 9 heures les jours de repos. Ce temps comprend le temps de travail, les trajets en voiture ou en transport en commun, les repas, les soirées canapés (sans même compter les heures de sommeil où l’on est allongé). Cette sédentarité généralisée est reconnue comme l’un des grands fléaux de notre époque et impacte négativement la santé : augmentation des maladies cardiovasculaires, diabète, prise de poids, dépression, anxiété, douleurs chroniques… Nous payons cher le prix de notre sédentarité. Et pourtant, l’une des solutions les plus efficaces est gratuite, et ne nécessite ni prescription médicale, ni abonnement à la salle de sport, ni équipements (et parfois, même pas de chaussures !). Juste un peu de temps, un dehors, qu’il soit urbain, rural, sauvage, qu’importe ; un sentier, un chemin ou un trottoir ; et bien sûr, un corps valide. Sur le plan physiologique, la marche améliore le tonus musculaire, la fonction articulaire et l’équilibre, elle augmente l’énergie et favorise une bonne santé cardiovasculaire et respiratoire. Elle agit également sur l’immunité, la qualité du sommeil, la mémoire, les émotions et l’humeur, améliore la créativité et réduit l’anxiété. Rien que ça ! L’idéal serait de pratiquer l’équivalent d’au moins 30 minutes de marche rapide par jour, et au moins 60 minutes pour les enfants et les adolescents. En une ou plusieurs séances quotidiennes, le moindre pas permettrait de diminuer la tension artérielle : quelques foulées à la pause déjeuner, une balade digestive après manger, une sortie randonnée le week-end. Et pour que la marche devienne une habitude, elle doit être initiée dès l’enfance, et encouragée autant chez les filles que chez les garçons. Dans de nombreuses villes, des « marches exploratoires et solidaires » entre femmes sont organisées, elles visent à repérer les failles d’un quartier, repenser les espaces que l’on redoute d’affronter seule, et se réapproprier un espace public plus sûr, agréable et accessible à toutes et tous, y compris aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, aux enfants, aux poussettes… Une manière d’inscrire la marche à l’intersection de plusieurs enjeux : santé publique, aménagement du territoire, justice sociale et environnementale. Enfin, marcher, c’est retrouver un équilibre : bon pour le corps, bon pour le moral, bon pour la planète. Une évidence, durable, à (re)mettre au centre de nos vies.
BILLET
LA BELLE ÉCHAPPÉE
Lisa Pujol