BILLET

UNE VRAIE TAXE SUR LE SUCRE ?

Lisa Pujol

DéCEMBRE 2024

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Malgré les apparences, l’hiver nous propose aussi de bons fruits de saison. Ne nous en privons surtout pas ! L’occasion de rappeler ici qu’ils sont une bien meilleure source de glucides que le sucre raffiné.

Faisons le point. « Aujourd’hui, un enfant de 8 ans a déjà ingéré en moyenne plus de sucre que ses grands-parents au cours de toute leur vie. » C’est ce que révèle le récent rapport Fracture alimentaire : maux communs, remède collectif de l’Institut Montaigne. Chez les moins de 18 ans, les aliments riches en sucre constituent le groupe d’aliments le plus fréquemment consommé (équivalent à 10 % des apports quotidiens et dépassant la part de légumes – 8 % – ou de fruits – 7,5 %). 87 % des enfants et 47 % des adultes consommeraient davantage de sucre que ce que recommande l’OMS.

Le sucre raffiné s’est largement imposé dans notre alimentation. Quand on parle de lui, on pense au sucre des desserts (pâtisseries, confiseries…) ou des sodas mais on oublie le sucre moins « visible » ; dans les plats industriels, l’alcool, le pain, les sauces, les médicaments… jusqu’aux aliments destinés aux animaux de compagnie. Les industriels mentionnent peu souvent la quantité de sucre sur leurs recettes ou utilisent sciemment du vocabulaire moins familier sur l’étiquette de leurs produits : cellulose, saccharose, mannose, dextrose, pectine… au même titre qu’ils ont (sans surprise) bien compris le côté addictif de ce dernier : plus on en mange, plus on a envie d’en manger.

Non sans conséquence sur la santé (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires) et sur le budget (125 milliards d’euros sont dépensés par an en France pour lutter contre ces maladies), cette mauvaise alimentation est le marqueur d’inégalités alimentaires, aggravées par l’inflation, de plus en plus fortes en France : toujours selon le rapport Montaigne, un Français sur trois n’arrive pas à manger correctement tous les jours.

De nombreux députés se sont inspirés d’une des recommandations du rapport Montaigne – l’élargissement de la taxation du sucre à d’autres produits alimentaires que les boissons – et l’Assemblée nationale a ainsi voté le 4 novembre deux amendements : le premier propose de renforcer la taxe existante sur les boissons sucrées et édulcorées de 2012 et le second, plutôt inédit, introduit une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits transformés. Cette proposition de loi doit encore être validée.

Le rapport Montaigne va plus loin en faveur d’une transition alimentaire saine et durable. Il souligne la précarité alimentaire dont souffrent les ménages les plus modestes (qui consommeraient deux fois moins de fruits et légumes que le reste de la population) en proposant notamment d’instaurer un chèque alimentaire de 30 euros par mois à destination des 4 millions de Français les plus précaires exclusivement dédié à l’achat de fruits et légumes (financé par les recettes fiscales de la taxe sur les produits sucrés).

Ces chèques offriraient la possibilité d’acheter quatre portions de fruits et légumes par jour. Si le rapport Montaigne pouvait favoriser et populariser la consommation de fruits et légumes (frais et de saison, cela va de soi), nous ne pourrions que nous en réjouir !