BILLET

LE POINT DE BASCULE

Lisa Pujol

MARS 2025

365

La lutte pour le climat encaisse de nombreux coups durs depuis que la première puissance économique de la planète a élu un président qui qualifie le changement climatique de « canular ». Il n’y a pas un jour sans que Trump et son administration ne fassent une déclaration ou une action absurde ou dangereuse : défendre les énergies fossiles en promettant de forer à tout va, faire disparaître des données sur le climat, retirer à nouveau les États-Unis de l’accord de Paris, signer un décret pour revenir aux pailles en plastique à usage unique, censurer certains termes reliés au climat dans les travaux scientifiques, sous peine de perdre des financements… Mais il se passe plus ou moins la même chose en France, sans que cela n’attire trop l’attention. Pendant les débats au Sénat sur la loi d’orientation agricole, les objectifs de production biologique ont quasiment disparu et le terme « agroécologie » n’apparaît plus dans le texte. De plus, les récentes attaques contre les agences publiques de l’environnement – l’Ademe, l’Agence bio et l’Office national de la biodiversité (les mêmes dont le gouvernement réduit les budgets) – ont montré une volonté d’affaiblir la protection des milieux naturels. En parallèle, des médias ont dénoncé que certains partis populistes et d’extrême droite alimentent via les réseaux sociaux une vaste campagne de désinformation sur le climat et la biodiversité, à l’heure même où l’on recense une hausse des violences et menaces sur les chercheurs et défenseurs de l’environnement. Sommes-nous en train d’atteindre un point de non-retour ? De baisser les bras ? Comment ne pas se laisser submerger par l’afflux incessant de mauvaises nouvelles et céder à la passivité et l’inaction ? Répétées quotidiennement, elles finissent par laisser un sentiment de grand découragement, une impression amère de vivre dans un monde en perdition. Il existe, peut-être, quelque chose qui pourrait permettre de garder espoir : le point de bascule écologique. Un article de Thomas Wagner, dans le média indépendant sur le climat Bon Pote, relaie un fait intéressant. Selon Christophe Itier, Haut-Commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale, un point de bascule est possible pour changer les comportements si on atteint une masse critique de 10 % d’acteurs convaincus : « une minorité engagée et adoptant de nouveaux comportements peut changer la norme sociale et entraîner dans son sillage la majorité silencieuse ». La fenêtre d’action se rétrécit, mais elle existe encore. Dans cette brèche, restons mobilisé·es, indignons-nous et montrons l’exemple. Ne pas lâcher l’affaire, c’est aussi garder espoir. L’espoir n’est pas une naïveté, mais une arme contre le découragement. Un changement progressif, même lent au début, peut atteindre une ampleur exceptionnelle lorsqu’il s’accroît. Oui, Trump déconstruit les mesures proclimat des États-Unis et d’une partie du monde. Oui, certains leaders politiques préfèrent la croissance économique débridée à la santé de la planète, mais il ne faut pas oublier que les mouvements citoyens se multiplient aussi et que les initiatives locales émergentes font la différence. Nourrir l’espoir et montrer l’exemple, n’est-ce pas, en définitive, ce qu’il y a de plus révolutionnaire dans ce contexte de crise ?