Consommateur bio de la première heure, le fondateur de Biocontact nous livre ici quelques confidences et anecdotes sur ce qui l’a poussé dans cette aventure il y a tout juste 30 ans...

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Le rendez-vous du mois

Jean-Pierre Camo

Biocontact, qui fête ce mois-ci ses 30 ans, s’est très vite forgé une place de premier choix dans la presse française bio pour devenir aujourd’hui un incontournable en la matière. Comment est né ce magazine ?

Tout est parti le jour où celle qui allait devenir mon épouse avait acheté une simple tarte aux légumes dans une épicerie bio à Paris. C’était à la fin des années 70. De fil en aiguille, manger bio et se soigner de façon plus naturelle nous est apparu comme une évidence. Après un séjour d’un an aux États-Unis pour approfondir nos connaissances, nous avons ouvert, en 1982, notre propre magasin bio à Montpellier. Nous éditions déjà des fiches dactylographiées pour expliquer à notre clientèle comment cuisiner tel ou tel produit peu connu. Il n’existait aucun média dans ce domaine à l’époque. Très vite l’envie de diffuser plus largement s’est fait jour en reprenant un bimestriel vendu sur abonnement, Le Compas, tiré à 4 000 exemplaires.

Un mensuel, distribué gratuitement dans les magasins bio. Pourquoi le choix de ce modèle économique ?

Avec Le Compas, j’ai vite réalisé que je tournais en rond, j’étais contraint de me limiter à des sujets conformes aux attentes d’un lectorat déjà convaincu et ultra ciblé. Il fallait donc trouver un autre modèle économique pour atteindre un lectorat plus large et proposer des thèmes plus variés. La gratuité était la solution car le prix d’un magazine ne devait pas constituer un frein à la lecture. Pourquoi dans les magasins bio ? Parce que je connaissais bien ce réseau et les attentes des consommateurs. Ainsi est d’abord né le Lien diététique, un tabloïd bimensuel qui hélas n’a pas duré. Peu après, en 1991, sortait le premier numéro Biocontact au format magazine que l’on connaît aujourd’hui.

Alimentation saine, agriculture biologique, écologie, santé au naturel, consommation responsable… la ligne éditoriale n’a pas changé depuis 30 ans et s’est même révélée plus pertinente d’année en année. Quels changements avez-vous noté dans nos modes de vie ?

Le temps pionnier où les consommateurs bio et écolos, certes parfois baba cool et ultra militants, étaient considérés avec amusement, parfois avec dédain, est révolu. Aujourd’hui, les grands médias ont intégré ces thèmes-là. Un changement radical de mentalité s’est opéré, même si dans les faits ces nouveaux idéaux ne sont pas toujours mis en pratique. Il n’est que de voir l’apparition des chaînes de magasins bio et l’appétit croissant des grandes surfaces pour ce secteur. Heureusement, les magasins bio indépendants de centre-ville résistent encore.

De nombreux lecteurs sont en demande de numéros passés, je pense en particulier à ceux sur les vaccins et la vache folle. Certaines thématiques plaisent ou interpellent plus que d’autres. Au cours de ces années, qu’avez-vous remarqué quant aux attentes de nos lecteurs ?

Certains thèmes ont en effet connu un succès foudroyant, comme le lait ou le microbiote. Preuve que nos lecteurs plébiscitent avant tout les thèmes de santé naturelle plus que ceux liés à la préservation de notre planète. Nos dossiers du mois ont toujours été construits autour d’une thématique déclinée sous différents angles, chacun rédigé par un spécialiste. C’est notre marque de fabrique. Exemples : les protéines végétales, le papier recyclé, le sel, les dents et bien d’autres… Je les ai toujours voulus les plus complets possibles pour qu’ils constituent des références indémodables. C’est pourquoi la demande d’anciens numéros ne faiblit pas. Aussi nous rééditons régulièrement certains sujets, de manière réactualisée bien sûr, quand ils sont épuisés.

La crise du Covid a été rude pour la presse et Biocontact n’a pas été épargné, mais il semblerait qu’elle ait aussi fait apparaître de nouvelles tendances de consommation, notamment sur la bio. Fallait-il traverser cette épreuve pour prendre conscience de ces enjeux ?

Toute l’économie a été impactée, et Biocontact n’a pas fait exception. Cependant, il se trouve que le premier confinement a poussé nombre de personnes à questionner leur mode de vie, leur façon de travailler et de consommer, elles ont ressenti le besoin de se mettre au vert, de resserrer les liens avec leurs proches, de prendre leur santé en main, mais aussi de reconsidérer leur alimentation. Crise ou pas crise, la clientèle bio connaît une croissance continue, et c’est tant mieux. Une nouvelle prise de conscience est en train de prendre forme sous nos yeux. Et Biocontact ne manquera pas ce rendez-vous.

Une anecdote à nous faire partager ?

Savez-vous d’où vient le nom de notre magazine ? Je voulais absolument éviter la lettre e, souvent muette en français, et privilégier les consonances fortes, aisément mémorisables et compréhensibles dans toutes les langues européennes. D’où le « bio », la vie en grec, et le « contact », pour rester proche des lecteurs.

L’heure de la retraite a sonné. À quoi va ressembler votre nouvelle vie ?

Comment est-il possible que 30 ans aient déjà passé ? Je n’en reviens toujours pas. Mon épouse et moi allons nous installer au plus près de la nature, dans les Pyrénées-Orientales – je n’oublie pas mes racines catalanes –, pour cultiver notre potager, récolter nos fruits et arpenter cette belle région dans tous les sens. Car nous adorons randonner. Et puis je vais enfin pouvoir consacrer plus de temps à ma passion : écrire des romans. Mais je n’oublierai jamais mon bébé Biocontact et resterai en contact avec ma vaillante équipe, sans qui rien n’aurait été possible.

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Jean-Pierre Camo

Directeur de la publication et romancier

La saga du vinland
De Jean-Pierre Camo, éd. Alphée, 472 p., 2008.

infos : www.biocontact.fr