Le rendez-vous du mois

Véronique Moreira

Construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable… Quelles sont vos principales actions en France ?

Notre programme Nesting a pour but de protéger les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les jeunes enfants des pollutions chimiques. Nous formons des professionnelles de la périnatalité et de la santé qui diffusent sur tout le territoire des ateliers de sensibilisation et d’aide à la transition vers une consommation plus saine. Ce projet concret – plus de 500 ateliers en 2019 – se conjugue avec un travail de plaidoyer auprès des décideurs pour demander des régulations et une véritable protection face aux impacts des pollutions sur notre santé. Nous adossons ces démarches à un travail de veille et d’actualisation des connaissances afin de proposer des ressources à la pointe de l’actualité.

 

L’épidémie de Covid-19 a montré une fois de plus les inégalités hommes/femmes dans le monde. Quel a été le positionnement de WECF face à cela ?

L’épidémie a suscité une prise de conscience sur la situation particulière des femmes, leur exposition aux impacts environnementaux, les violences qu’elles subissent, leur rôle dans le travail du care. WECF a travaillé avec les organisations mondiales de femmes pour mettre en évidence leurs situations spécifiques et les solutions qu’elles apportaient. Les préconisations (1) ont été mises en ligne sur notre site, avec des articles pour une bonne compréhension des conséquences de la place de chacun et des impacts des rôles sociaux sur la vie des personnes. C’est un premier pas vers la transition et la remise en cause des inégalités.

 

Pourquoi les femmes sont-elles davantage menacées par le dérèglement climatique dans les pays en développement ?

De par les rôles sociaux qui leur sont attribués, les femmes sont chargées de la collecte du bois ou de l’eau, elles sont donc en première ligne lorsque l’eau se raréfie ou que la forêt recule. Elles travaillent dans les secteurs agricoles, sans accès à la propriété foncière, donc sans capital propre. Lors de catastrophes climatiques, elles perdent immédiatement leurs sources de revenus. L’illettrisme explique enfin la faible information dont elles disposent en matière de prévention des risques. Elles sont aussi des agents efficaces de l’adaptation aux changements avec des solutions pour mieux gérer les écosystèmes. Nous les mettons en valeur dans notre prix Solutions Genre et Climat, remis chaque année lors des Conférences des parties (COP) à trois organisations exemplaires en matière de droits des femmes et de lutte contre le réchauffement climatique.

 

Cosmétiques naturels, produits de nettoyage faits maison, récup’… C’est ce que l’on appelle la « nouvelle domesticité ». Ne pensez-vous pas que l’impératif écologique aliène aujourd’hui les femmes ?

Ce n’est pas l’impératif écologique qui aliène les femmes mais la répartition inégale des charges dans la société. Ce sont les femmes qui se chargent de la santé et du bien-être de leurs proches, et sont donc les premières conscientes de l’impact sanitaire de leur consommation. Leurs initiatives pour diminuer leur impact carbone, limiter les produits toxiques et adopter une consommation plus sobre représentent en effet une charge mentale importante. La voie qu’elles ouvrent est essentielle pour construire un monde capable de faire face aux enjeux de la dégradation de la biodiversité, du changement climatique, de l’obsolescence programmée, d’une consommation pulsionnelle qui ne répond pas aux besoins réels mais impacte ailleurs sur la planète les ressources ou les conditions de travail. Chez WECF France, nous souhaitons appuyer les intuitions vitales des femmes et développer cette approche essentielle chez les hommes aussi. Cela passe par la prise de conscience des conséquences de nos choix de vie, et par une répartition plus juste des rôles de chacun dans la gestion de la famille.

 

Tous les ans, octobre est « rose » de façon à sensibiliser au dépistage du cancer du sein. WECF pencherait plutôt pour un octobre « vert ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Chaque année, la lutte contre le cancer du sein est mise en avant en octobre ; cette maladie touche une femme sur huit et cause plus de 10 000 décès par an. Cette terrible affection n’est pas seulement liée aux comportements individuels : les polluants environnementaux ont un impact non négligeable. Il est donc vital d’intégrer les facteurs environnementaux et professionnels dans les politiques de contrôle des cancers. Nous demandons au gouvernement d’adopter des réglementations protectrices face à ces facteurs de cancer. Et nous pointons les campagnes de promotion de cosmétiques ou de produits contenant des substances mises en cause dans la maladie. La lutte contre le cancer du sein, véritable épidémie contemporaine, doit s’élargir et passer au vert pour prendre en compte l’ensemble des causes de cette maladie

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Maria Nieves Castejon

infos : www.camarguecoquillages.fr