Le rendez-vous du mois

Allain Bougrain-Dubourg

Comment êtes-vous devenu un protecteur de la nature ?

Mon parcours, d’où l’idée de ce titre de livre qui m’a été soufflé par Théodore Monod, Il faut continuer de marcher, est un chemin fait de rencontres. Il y a trente ans, l’ancien président de la LPO (Ligue pour la protection des animaux) voulait arrêter et m’a demandé de le remplacer ; j’étais d’accord pour trois ans seulement et j’ai été embarqué par l’enthousiasme, la convivialité, l’implication des membres de la ligue : leur motivation a été contagieuse. J’ai découvert le massacre des tourterelles dans le Médoc et, naïvement, je croyais qu’avec une équipe télé pour dénoncer cette cruauté, nous en aurions fini. En réalité, cela nous a demandé vingt ans de lutte. J’en ai fait un défi, je ne voulais pas partir tant que ce dossier n’aurait pas été réglé et puis il y a eu des dossiers supplémentaires : le naufrage de l’Erica et l’obtention du préjudice écologique, tant de braconnage comme pour les ortolans, aujourd’hui encore d’actualité… L’oiseau est dépendant du milieu naturel, l’homme en fait partie lui aussi, et cette prise de conscience nous a amenés à étudier des dossiers très lourds : les éoliennes, les zones humides qui ne cessent de disparaître. Nous avons monté des centres de soins et de réhabilitation.

Dans votre dernier livre, on ressent comme une envie de passer le relais, d’inciter les autres à agir, est-ce bien cela ?

Oui, je suis du genre à vouloir partager, tout d’abord partager la beauté du monde. Prévert disait : « Il faut tenter d’être heureux ne serait-ce que pour donner l’exemple. » La chance que j’ai eue de parcourir le monde aurait été frustrante si je n’avais pu la partager avec les téléspectateurs, j’ai été très privilégié de vivre de ma passion et de la partager. Je crois qu’on a un rôle sur Terre, c’est, a minima, de ne pas détruire le vivant. Je me tourne vers l’avenir, avec à la fois beaucoup d’espoir et certaines inquiétudes concernant les ressources de la planète. Les bouleversements climatiques, l’élevage intensif, les maladies sont des interdépendances qui posent de plus en plus de problèmes et c’est d’autant plus difficile de se battre aujourd’hui pour faire reculer le déclin quand le débat est à échelle mondiale. Le plus petit passereau a son importance dans cette merveilleuse chaîne de la nature.

La nature nous rémunère. La pollinisation par les abeilles, par exemple, nous offre 30 % de la production agroalimentaire, et c’est un service gratuit. Tous ces services rendus par la nature ont été évalués par des économistes et représentent 40 % de l’économie mondiale ; le problème, c’est que ces services sont en déclin de 60 %, donc on voit bien qu’à ne pas protéger le vivant qui nous entoure on affecte l’économie de l’homme. En parlant d’économie, les grands responsables commencent à tendre l’oreille : c’est dommage d’en arriver là pour chercher des solutions à des problèmes dus à la domination de l’homme sur la planète, dont en plus il dépend. Il y a heureusement de la sensibilité qui s’installe.

Quel est votre avis sur la tendance bio ?

Avec l’alimentation bio, les relais médiatiques, Internet, je me rends compte que l’on s’ouvre de plus en plus à la nature. Le développement de tous ces magasins spécialisés n’est pas un hasard, et heureusement car nous avions coupé nos racines avec la nature le siècle dernier, bridant notre instinct. Savoir écouter, goûter, voir… Sentir et goûter des aliments sains, c’est une richesse véritable. J’invite tout le monde à cette diversité des sens. Nous avons le pouvoir de connaître la nature, dans sa générosité et sa grandeur. Je regrette sincèrement les conditions de transport et d’abattage des animaux consommés, il faut désormais étendre l’amélioration des conditions de vie jusqu’au bout.

Concernant les animaux, comment respecter leurs besoins tout en répondant aux nôtres ?

Il faut être attentif à cette idée reçue que ceux qui s’occupent d’animaux se désintéressent de la condition humaine. Lamartine disait : « On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal, on a un cœur ou on n’en a pas. » La compassion s’étend à l’ensemble du vivant. Il existe un potentiel de bonheur à regarder, à respecter les animaux et la nature qu’on ne soupçonne pas. Or, au XXIe siècle, nous sommes écrasés par les angoisses, l’incertitude, la violence… La nature nous offre une réponse pour peu qu’on aille en paix vers elle, il faut que chacun s’empare de ce patrimoine naturel pour qu’il devienne notre fierté, ce sera la meilleure manière de la préserver durablement.

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Marianne Pastre

Journaliste et praticienne de santé.

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