Le rendez-vous du mois
Lamya Essemlali
Diplômée d’un master en sciences de l’environnement et d’un BTS en marketing, Lamya Essemlali a commencé l’activisme en 2005 sur les bateaux de Sea Shepherd. Elle a fondé Sea Shepherd France en 2006. L’antenne française est depuis devenue la plus active du mouvement au niveau mondial. Devenue présidente de Sea Shepherd France en 2008, Lamya continue les missions de terrain, en faisant de nombreuses conférences tout au long de l’année.
Après 149 jours de détention au Groenland, la justice danoise a libéré Paul Watson et a refusé son extradition au Japon. Que va-t-il se passer, maintenant ? Qu’en est-il de la notice rouge d’Interpol ?
Il aura fallu une énorme mobilisation de l’opinion publique au niveau international, la France en tête, pour exercer suffisamment de pression politique sur le ministre de la Justice du Danemark et éviter une extradition. Dans les faits, le dossier est complètement vide… C’est surréaliste que Paul ait dû faire plus de cinq mois de prison. Maintenant qu’il est de retour en France, il n’est pas entièrement libre non plus puisque le mandat d’arrêt du Japon est toujours en cours et la notice rouge d’Interpol également. Donc on travaille activement à faire tomber cette notice rouge. C’est important, non seulement pour Paul, mais pour tous les activistes, les lanceurs d’alerte qui sont victimes du détournement et de l’usage abusif de la notice rouge à des fins politiques, ce qui est d’ailleurs complètement contraire au règlement d’Interpol.
Début février, Paul Watson a reçu la citoyenneté d’honneur de la ville de Paris. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
Cette citoyenneté d’honneur est surtout symbolique. Elle a été annoncée alors que Paul était encore en prison. C’était aussi une façon de dire au Japon, qui dépeint Paul Watson comme un « écoterroriste », que tout le monde ne le considère pas ainsi et que pour beaucoup d’autres il est un héros. Je sais d’ailleurs de source diplomatique que le Japon ne s’attendait pas à un tel soutien envers Paul et ils ont considéré comme un affront l’attitude de la France.
Vous avez assuré une campagne de soutien incroyable ainsi qu’une attention médiatique constante durant les mois de détention de Paul Watson. Qu’est-ce qui vous a aidée à tenir ?
Ha ha ! Ce qui m’a aidée à tenir, c’est de savoir que je n’avais pas le droit de flancher. Imaginer une seule seconde que Paul puisse finir ses jours dans une prison au Japon pour avoir eu le courage de s’opposer au massacre illégal de milliers de baleines en plein sanctuaire était tout simplement inconcevable. On a reçu beaucoup de soutien, de milliers de personnes, ça aide à tenir aussi de ne pas se sentir seul. Bon et puis, c’est plus mystique, mais j’ai aussi eu des messages de l’Univers qui m’ont donné confiance, surtout dans les moments où j’étais au plus mal. Je raconterai tout ça dans un livre.
Vous avez créé l’antenne Sea Shepherd France dont certains reprochent des méthodes musclées, ce à quoi Sea Shepherd répond qu’il s’agit de « non-violence agressive », afin de faire respecter les lois.
Ce que fait Sea Shepherd, c’est le minimum vital. On n’a jamais blessé personne, on intervient dans le cadre de la loi et on ne fait finalement que combler le manque de volonté politique et économique de ceux qui sont chargés de faire respecter la règlementation de protection du vivant et, a fortiori, des animaux marins. Le fait, par exemple, que Sea Shepherd ait été la seule opposition à la chasse baleinière illégale du Japon au sein du sanctuaire est surréaliste. Il existe un moratoire international signé par des dizaines de pays, le sanctuaire baleinier antarctique est lui aussi ratifié par la communauté internationale. Mais les lois ne servent à rien si aucun moyen n’est déployé pour les faire respecter. Nous ne sommes pas obligés de rester attentistes et de laisser le monde être détruit par ceux qui enfreignent les lois en toute impunité.
Quelles sont les prochaines grandes étapes de Sea Shepherd France ?
Cette année, Sea Shepherd a planifié une dizaine de missions, notamment pour protéger les tortues marines à Mayotte, les dauphins globicéphales aux îles Féroé et les orques ibériques à Gibraltar. L’ONG interviendra aussi contre la capture accidentelle des dauphins dans le golfe de Gascogne, récupérera des filets fantômes en Méditerranée, surveillera l’implantation d’éoliennes en mer dans les aires marines protégées, luttera contre les navires-usines géants et poursuivra son engagement avec son centre de soins pour la faune sauvage en Bretagne… On ne chôme pas. Et à la suite de la scission avec Sea Shepherd Global (qui a illégalement évincé Paul Watson et moi-même en 2022), Sea Shepherd France va déployer de plus en plus de campagnes à l’international.
Le Marineland d’Antibes a annoncé récemment la fermeture définitive de ses bassins. Sea Shepherd suit de près la « relocalisation » des animaux captifs, notamment des dauphins. Que va-t-il leur arriver ?
La situation des orques et des dauphins d’Antibes est très préoccupante et nous travaillons très dur à l’heure actuelle à trouver une solution pour qu’ils ne se retrouvent pas envoyés dans des delphinariums à l’étranger, mais plutôt dans des sanctuaires où leurs conditions de vie seraient bien plus proches de leurs besoins physiologiques et cognitifs. C’est un défi colossal et une course contre la montre car le Marineland veut s’être débarrassé des animaux (et du personnel) à la mi-avril au plus tard.