contaminations au prosulfocarbe : la situation des producteurs bio se détériore
C’est officiel, le prosulfocarbe a détrôné le glyphosate et est aujourd’hui l’herbicide le plus utilisé en France. Une bien triste victoire pour ce pesticide ultravolatil utilisé pour traiter les céréales. Il contamine régulièrement des cultures non cibles comme le sarrasin qui, pour être à maturité, est récolté en automne, bien souvent au moment des traitements chez les agriculteurs non bio.
Depuis quatre ans, les producteurs bio interpellent les différents ministres de l’Agriculture et l’Anses sur les risques de contamination associés au prosulfocarbe, ainsi que les pertes financières que ça engendre. Malgré cela, l’autorisation de la molécule n’est pas remise en question et aucun agriculteur n’a été indemnisé.
« On nous avait promis l’an dernier une indemnisation avec la hausse des taxes sur les pesticides et finalement tout a disparu avec les mobilisations agricoles. On nous balade depuis 4 ans, ça ne peut plus durer », déplore Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), producteur bourguignon de sarrasin contaminé.
Des actions ont commencé fin novembre avec une première mobilisation devant la Direction départementale des Territoires de l’Yonne, à Auxerre. De son côté, la Fnab va poursuivre ses actions juridiques engagées avec Générations futures depuis 2023 pour faire interdire la molécule. Pour soutenir la stratégie juridique, une cagnotte en ligne a été lancée.
Cette année, la Fnab a collecté des données auprès des organismes certificateurs et de quelques collecteurs. Ainsi, depuis 2018, plus de 400 récoltes biologiques ont été contaminées par du prosulfocarbe. Sur les cinq organismes collecteurs enquêtés on comptabilise, entre 2020 et 2022, 140 fermes touchées pour plus de 550 tonnes de sarrasin et une perte estimée à 550 000 euros. Et l’année 2024 s’annonce très mauvaise. La moitié du sarrasin bio n’était pas récolté en octobre 2024 à cause de la pluie, alors que l’essentiel des traitements au prosulfocarbe avait déjà eu lieu.
« Aujourd’hui, si on veut que notre sarrasin soit collecté, on doit prouver qu’il n’a pas été contaminé en faisant faire à nos frais des analyses toxicologiques », explique Loïc Madeline, producteur de sarrasin bio en Normandie en attente de ses résultats d’analyses.
Et ces données méritent encore d’être complétées… « Il faut que tous les collecteurs jouent le jeu et publient leurs données de contamination pour qu’on avance » estime Philippe Camburet. « Il ne faut pas rêver, si nous les bio sommes contaminés, il y a du sarrasin conventionnel qui l’est aussi et qui, lui, n’est pas détecté faute de contrôles ». D’après FranceAgriMer, le sarrasin bio représente 40 % de la collecte totale de sarrasin en France.