loi d’orientation agricole, à qui profite-t-elle vraiment ?
Deux ans après le début des concertations, le vote solennel de la Loi d’orientation agricole laisse un goût amer à tous les acteurs du monde agricole mobilisés pour une urgente grande loi sur l’installation et le renouvellement des générations. Des tentatives répétées d’instrumentaliser l’installation agricole pour faire de la terre un actif financier rentable aux reculs environnementaux historiques, la Loi d’orientation agricole version 2024, consacre une vision libérale de l’agriculture. Et passe à côté de son objectif initial : relever le défi du renouvellement des générations et créer les conditions d’installations durables.
Astrid Bouchedor, responsable de plaidoyer de Terre de Liens : « Cette loi passe à côté de tous ses objectifs : la France ne se prépare pas au renouvellement des générations, ni à la transition agroécologique. Face à des rapporteurs et à un ministre obtus qui n’ont pas eu le courage politique d’ancrer effectivement des dispositions en faveur de la régulation des terres, les député·es de l’opposition sont restés tenaces et pédagogues mais cela n’aura pas suffi. Difficile de croire encore à un sursaut possible au Sénat. »
Loi round-up
Arrachage des haies facilité, délais de recours face aux projets d’élevage industriel et de mégabassines rabotés, dépénalisation des atteintes à la protection des espèces... Pour une loi censée accélérer la transition de notre agriculture, c’est presque risible. Au lieu d’accompagner les agricultrices et agriculteurs déjà confrontés aux conséquences du dérèglement climatique et à l’urgence de changer de modèle, l’Assemblée a acté des reculs dangereux en matière de protection du vivant et de la biodiversité. Seule rescapée dans ce passage au Roundup de la loi, les député·es ont adopté et, aussitôt affaiblit, la seule mesure de transition proposée par le gouvernement : le diagnostic d’évaluation de la viabilité environnementale des fermes. Désormais facultatif et sans conditionnalité pour les aides publiques, son financement par l’État n’est même pas garanti. Face à ces reculs historiques, Terre de Liens appelle les sénatrices et les sénateurs à limiter la casse en rendant obligatoire ce diagnostic pour garantir que les agriculteur·trices s’installent dans des modèles agricoles viables d’un point de vue économique, social et environnemental.
Accès à la terre, une prise de conscience trop tardive
500 000 agriculteurs et agricultrices pour 400 000 fermes d’ici à 2035 par la magie de la main invisible et des investisseurs… Balayée d’un revers de main par le gouvernement tout au long des concertations, la question de l’accès à la terre, reconnue comme un obstacle majeur à l’installation, n’a cessé de refaire surface dans les débats. Pour seule réponse, le gouvernement n’a eu de cesse de remettre les investisseurs sur le tapis, ouvrant la voie à une financiarisation accrue des terres. D’abord sous la forme de GFAI (Groupements fonciers agricoles investisseurs) rejetés en commission des affaires économiques, les « acteurs financiers » ont refait surface dans un amendement dédié au portage foncier lui aussi rejeté. Face à ces tentatives répétées de faire de l’installation un actif financier, les députés de l’opposition ont tenté d’inclure des mesures de régulation des terres dans l’article 10. En vain.
C’est finalement l’adoption de l’amendement 1956 qui permettra d’entrevoir une lueur d’espoir par la promesse d’une grande réforme foncière réclamée depuis plus de 10 ans par l’ensemble du monde agricole ! Terre de Liens veillera à ce que cet engagement pris par les parlementaires de travailler un projet de loi foncière en commission des affaires économiques dès l’automne 2024 permette de faire advenir la transparence qui manque cruellement sur le marché des terres et de donner accès à la terre aux milliers de personnes qui renoncent à s’installer chaque année.