Le rendez-vous du mois
Baptiste Lanaspeze et Paul-Hervé Lavessière
Baptiste Lanaspeze, formé en philosophie, fonde en 2008 les éditions Wildproject, consacrées aux pensées de l’écologie, et initie le sentier métropolitain GR2013. Paul-Hervé Lavessière, géographe-urbaniste de formation, consultant en mobilité, est également l’auteur d’articles et de livres (comme La Révolution de Paris, éd. Wildproject, 2014, Prix Haussmann) et le créateur de plusieurs sentiers métropolitains. Ensemble, ils ont fondé en 2014 l’Agence des Sentiers.
Comment est née l’Agence des Sentiers ?
Un peu avant le lancement du GR2013, Paul-Hervé a passé 2 jours sur le sentier et a été séduit par le projet. Avec Baptiste, il a souhaité initier un projet analogue sur le territoire de l’agglomération parisienne, qui a donné lieu en 2014 au livre La Révolution de Paris, voyage à pied le long d’un sentier qui reliait Versailles, Saint-Denis et Créteil dans une boucle de 120 km. Publié aux éditions Wildproject, ce livre a été le premier projet que nous avons mené conjointement – et nous nous sommes si bien entendus que nous avons fondé dans la foulée une association, l’Agence des Sentiers, pour développer ces initiatives dans le monde et favoriser l’émergence d’un réseau international de créateurs de sentiers métropolitains. Dix ans plus tard, nous avons tenu promesse ! Et entre-temps, nous avons aussi publié en 2020 le guide Le Sentier du Grand Paris (600 km !).
Les dynamiques de végétalisation et d’innovations en architecture durable sont assez récentes dans l’histoire des villes. Quelle définition donnez-vous à l’écologie urbaine ?
Après plusieurs années focalisées sur le développement de sentiers, nous avons ressenti le besoin d’élaborer une vision des villes écologiques de demain, car nous nous sentions démunis sur ce point. Ainsi est né le projet de formation « Villes terrestres », que nous avons construit entre 2020 et 2023 avec 5 partenaires en France, Belgique, Italie et Espagne (www.villes-terrestres.org). Ce projet propose une nouvelle définition de l’écologie urbaine. Si l’écologie est la science des relations des vivants avec la Terre, alors l’écologie urbaine peut être définie comme la réorganisation des habitats humains de façon à ce qu’ils s’insèrent dans les autres habitats terrestres – ou l’art de refaire société avec la Terre.
En quoi consiste la formation « Villes terrestres » et qui peut y participer ?
« Villes terrestres » repose sur la conviction que des initiatives locales cohérentes peuvent à terme changer la donne face à la crise écologique. Cette formation se déploie dans 4 pays (Belgique, France, Italie, Espagne) pour favoriser un rapprochement et promouvoir une culture commune entre les gens de l’aménagement (architectes, urbanistes, paysagistes) et les gens de l’écologie politique. C’est la condition de possibilité pour bâtir un autre monde ! Inscrivez-vous sur www.villes-terrestres.org.
Pourquoi l’écologie urbaine est-elle primordiale ?
Car nous ne pouvons plus continuer à habiter la Terre d’une façon qui détruit la vie – ou à définir la civilisation comme une guerre contre la nature, une idée centrale dans la culture occidentale moderne !
Vous avez initié il y a une dizaine d’années le GR2013 avec Sentiers Métropolitains : un chemin de 365 km en forme de double boucle qui traverse le grand Marseille, qualifié d’orignal et contemporain. Pourquoi ?
Le GR2013 est né de la confluence de plusieurs pratiques et idées. Baptiste était en train d’écrire un livre sur l’écologie urbaine à Marseille, intitulé Ville sauvage (Actes sud, 2012), consacré à cette singularité des paysages marseillais « par-delà ville et nature », entre port et colline, entre urbanité et ruralité. Paul-Hervé rêvait alors d’un projet qui montre la beauté de ces territoires – différentede la beauté des Alpes ! Il a proposé à la scène marseillaise des artistes-marcheurs, alors méconnue, d’inventer ensemble un sentier de grande randonnée (GR) à travers le périurbain, entre ville, campagne, banlieues, zones industrielles… Ce qui a donné naissance en 2013 à cette double boucle autour du massif de l’Étoile et de la mer de Berre, qui a accueilli des dizaines de milliers de randonneurs.
La randonnée urbaine compte de plus en plus d’adeptes. Quels intérêts avons-nous à valoriser cette nouvelle pratique ?
C’est une pratique simple, gratuite – et que nous trouvons addictive. Au fil d’une journée de marche collective dans des territoires habités, on apprend et on découvre tant que la marche dans la nature sauvage paraît presque fade, en comparaison ! Et si cela vous semble bizarre de marcher dans le périurbain, n’oubliez pas qu’il y a 150 ans, cela semblait tout aussi bizarre de marcher dans les Calanques, les Alpes ou la forêt de Fontainebleau. La randonnée dans la nature sauvage est une pratique culturelle récente, très codée, et qui a ses limites. Trop de randonneurs en montagne peut par exemple gêner le pastoralisme. Or nous autres citadins, nous ne connaissons souvent pas nospropres territoires de vie…