Le rendez-vous du mois
Tiphaine Duvernois
Tiphaine Duvernois est diplômée d’un master en biologie et agrosciences et spécialisée en étude des comportements et du bien-être des animaux d’élevage. Elle a rejoint l’OABA (Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir) en tant que chargée de mission scientifique afin d’apporter son expertise dans les travaux d’amélioration des conditions d’élevage et d’abattage. Elle participe à l’élaboration de l’étiquette Bien-être animal et suit des concertations avec les filières (viande et lait) et les professionnels.
Comment l’OABA porte-t-elle assistance aux animaux destinés à l’abattoir ?
L’OABA est une association de protection animale agissant selon quatre axes majeurs : les retraits et les sauvetages d’animaux d’élevage maltraités ; le lobbying auprès de la sphère politique et professionnelle pour améliorer les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux ; les audits protection animale en abattoirs ; et l’information du consommateur. Ses actions sont permises par la générosité de ses donateurs.
Favoriser le bien-être des animaux destinés à l’abattage, c’est indispensable. Mais finalement, réduire voire stopper sa consommation de viande ne serait-il pas le moyen le plus radical de les protéger ?
La réduction drastique de consommation de viande est indispensable pour mettre un terme aux élevages intensifs et aux cadences infernales d’abattage. Mais 95 % des Français consomment encore de la viande, et ce chiffre ne diminue pas d’année en année… On ne peut donc pas se permettre d’attendre que la planète soit végan. C’est pourquoi nous agissons au quotidien pour les millions d’animaux qui continuent à être élevés et abattus chaque jour en France.
L’an dernier, l’Espagne a imposé des caméras de surveillance dans les abattoirs. En France, une expérimentation a été menée sur la base du volontariat mais seulement 5 ont répondu sur les plus de 800 abattoirs français. Pourquoi tant de réticence ?
Pour permettre une application effective de la réglementation et mettre un terme aux dérives inacceptables qui peuvent se produire en abattoirs, nous attendons que la France rende obligatoire la mise en place de l’enregistrement vidéo dans tous les abattoirs, aux postes où sont manipulés les animaux. Les réticences sont nombreuses : le coût d’installation, la pression supplémentaire que cela peut ajouter aux opérateurs filmés, la peur de l’exploitation et de la diffusion des images enregistrées…
Pourtant, les images serviront à contrôler les pratiques, à les faire rectifier, voire à les faire sanctionner en cas d’irrégularités. Mais elles serviront aussi à former les opérateurs en abattoirs, leur montrer les bons gestes, les bonnes pratiques. Tous les abattoirs qui ont participé à l’expérimentation sont très satisfaits du dispositif qu’ils jugent utile et pratique et aucun d’eux ne souhaite revenir en arrière.
Une des victoires de l’OABA est, en 2019, l’interdiction de l’abattage sans étourdissement pour le label bio. Racontez-nous.
Le label officiel Agriculture biologique (AB) pour les produits bio impose une « souffrance réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage ». Pour l’OABA, il ne pouvait donc en aucun cas autoriser l’abattage des animaux sans insensibilisation. Après sept ans de procédure judiciaire, l’OABA a réussi à faire exclure du label AB ce mode d’abattage particulièrement cruel, devant la Cour de justice de l’Union européenne. Ainsi, les viandes halal ou casher ne peuvent plus être tamponnées « Agriculture biologique » si elles sont issues d’un abattage rituel sans étourdissement.
De plus en plus d’éleveurs, transformateurs et distributeurs s’engagent dans la démarche d’une « étiquette Niveau Bien-être animal » pour les poulets, une démarche portée par l’OABA et trois autres associations. À quand une généralisation obligatoire et pour toute la filière ?
L’étiquette Bien-être animal étant un étiquetage qui inclut l’ensemble du cycle de production, de la naissance à l’abattage des animaux, son processus d’élaboration peut être très long selon la complexité de la filière visée. L’association a commencé avec l’étiquette sur le poulet de chair. Depuis plus de trois ans maintenant, la démarche est en cours sur la filière porcine et cela fait un an que les échanges ont commencé sur la filière poules pondeuses, il faudra être encore un peu patient ! L’objectif étant de pouvoir développer l’étiquetage pour chaque filière de production animale.
Concernant le côté obligatoire de l’étiquetage, malgré nos nombreuses sollicitations et notre lobbying auprès des politiques, le sujet n’a, pour le moment, pas retenu l’attention du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Il faudra se contenter de la bonne volonté de transparence des adhérents de l’association étiquette Bien-être animal.
Il y a deux mois, les vidéos du sauvetage du veau Sixtine dans un « Troupeau du Bonheur » ont ému la communauté des internautes. C’est une des autres missions de l’OABA : accueillir des animaux victimes de mauvais traitements.
C’est effectivement l’ADN même de notre association, créée à la suite du sauvetage d’Amigo, un âne échappé d’un abattoir en 1957. Le Troupeau du Bonheur compte aujourd’hui 570 pensionnaires (vaches, moutons, chèvres, chevaux, cochons…), tous rescapés à vie, sans exploitation ni abattoir. Ils sont répartis sur 40 fermes partenaires dans toute la France. Sixtine, Obélix, Viking, Margotte… tous les animaux sont parrainables !