Maria Nieves Castejon, 56 ans, mère de deux enfants (Daniel, dans l’entreprise familiale, et Eva, encore en études), est gérante de la société Camargue Coquillages à Port-Saint-Louis-du-Rhône, une entreprise de production et de vente de coquillages. Les différentes pêches pratiquées, artisanales et respectueuses des ressources halieutiques, permettent de perpétuer la tradition.

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Le rendez-vous du mois

Maria Nieves Castejon

Vous êtes l’une des rares ostréicultrices bio en France, et l’unique en Camargue. Comment est né ce projet ?

La genèse des nouveaux projets se trouve souvent dans l’adversité. Il faut savoir que l’anse de Carteau à Port-Saint-Louis-du-Rhône est historiquement une zone mytilicole (production de moules). En raison de la concurrence croissante des pays européens (Italie, Espagne, Grèce…), la vitalité de nos entreprises était mise à mal. En 2012, avec la coopérative des conchyliculteurs de Port-Saint-Louis, nous nous sommes réunis pour développer l’ostréiculture en Camargue. Les huîtres déjà présentes à l’état naturel nous laissaient penser que l’élevage était tout à fait envisageable.

En 2015, l’ostréiculture a été officialisée à Port-Saint-Louis-du-Rhône et nous avons dès cette autorisation souhaité nous inscrire dans une démarche en agriculture biologique.

On pourrait croire que toutes les huîtres sont bio puisqu’il s’agit d’un produit sain et naturel, or cette certification apporte des garanties supplémentaires.

La problématique d’origine de la semence AB n’étant pas présente avec les moules (elles proviennent toutes de reproduction naturelle), nous avons été sensibilisés à l’huître triploïde lorsque nous nous sommes intéressés à l’ostréiculture. Cette huître est reproduite de manière artificielle dans ce qu’on appelle des écloseries, elle est par définition stérile et, souvent, plus sensible aux mortalités que l’huître naturelle. L’utilisation d’huîtres diploïdes était pour nous une évidence.

Le label AB va porter sur trois critères différents : densité (une densité d’élevage moindre qu’en agriculture conventionnelle), origine de l’huître (elle doit être issue de captage naturel, c’est-à-dire née à la mer, ou 100 % diploïde), et qualité de l’eau. Nous avons la chance d’être en zone classée Natura 2000 et dans l’enceinte du parc naturel régional de Camargue.

Le label AB assure aujourd’hui au consommateur l’origine de l’huître et le fait qu’elle ait été « bien » élevée.

Pourquoi y a-t-il peu d’ostréiculteurs bio malgré une forte demande des consommateurs ?

L’agriculture biologique en conchyliculture, comme dans l’agriculture terrestre, est contraignante. Elle impose au conchyliculteur de respecter un cahier des charges rigoureux. L’AB interdit de cultiver de l’huître triploïde (commercialisée généralement quand l’huître diploïde est laiteuse), c’est la principale raison qui freine les conchyliculteurs pour adhérer au bio. La demande pour le bio augmente d’année en année, mais le marché se confronte également à une montée du consommer local qui est, aux yeux des consommateurs, mis sur le même pied d’égalité que l’agriculture biologique.

Cependant, force est de constater que les consommateurs d’huîtres AB sont fidèles. Un grand nombre de particuliers à travers la France commandent des huîtres via notre site Internet pour être livrés directement chez eux. Nous travaillons aussi avec une marketplace qui s’appelle « Pour de bon » et qui met en relation les producteurs et les consommateurs.

Les huîtres sont les fruits de mer de Noël par excellence. D’où vient cette tradition ?

Cette période phare reste très importante pour notre structure malgré le fait que notre activité soit tout de même lissée sur l’année. La problématique va être d’ordre organisationnel et logistique.

L’habitude de consommation à Noël vient du fait que les huîtres sont historiquement consommées les mois en « R » pour ne pas avoir de laitance, et notamment en hiver pour éviter des problèmes logistiques (l’huître étant plus sensible à la chaleur en période de laitance). On peut également mettre en avant le coût de l’huître, qui reste tout de même assez important. Cette consommation d’épicurien a fait de l’huître le must have sur les tables de fêtes.

La mer est ultrapolluée par les activités humaines. Comment s’inscrit votre activité dans une démarche environnementale ?

La conchyliculture ne peut être réalisée dans un milieu qui n’est pas sain. Aujourd’hui, nous avons la chance d’être épargnés par beaucoup de problématiques qui commencent à toucher certaines zones de production dans le monde. Le secret de cette « chance » réside dans la richesse de notre Camargue. Étant les sentinelles de la mer, il est de notre devoir d’être acteurs de la transition en sensibilisant et en agissant au quotidien pour, d’une part, limiter l’impact de notre activité et, d’autre part, sensibiliser les consommateurs (ou pas) de fruits de mer. Nous sommes les premiers touchés par la pollution marine, donc il est de notre devoir de préserver du mieux que nous pouvons nos zones de production, et de manière plus large, la biodiversité marine dans son ensemble.

Par exemple, nous avons mis en place un partenariat avec une entreprise espagnole, Sea2See, qui recycle le plastique marin arrivé en fin de cycle de vie chez Camargue Coquillages en différents objets (montures pour lunettes…) pour leur redonner vie.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?

Le rapport avec la nature, le fait d’élever un produit d’exception et les relations que nous avons avec nos clients, consommateurs finaux comme grands chefs étoilés.

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Maria Nieves Castejon

infos : www.camarguecoquillages.fr