Christophe Cannaud est naturopathe, directeur du CNR-Formations (Collège de naturopathie rénovée) et président de l’association humanitaire Naturopathes Sans Frontières.

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Le rendez-vous du mois

Christophe Cannaud

La récente polémique sur Irène Grosjean, critiquée pour avoir tenu des propos dérangeants, a fait couler beaucoup d’encre dans les médias conventionnels et alternatifs. Un malheureux amalgame ?

Plus qu’un amalgame, cela semble être une intention délibérée de mettre sous les projecteurs un malaise récurent entre médecine allopathique et pratiques traditionnelles. L’utilisation de l’eau en général (et des bains de siège en particulier) est une technique ancestrale prônée sous toutes ses formes par Hippocrate, « père de la médecine » et créateur de la thalassothérapie ; elle s’appuie sur son adage « la nature est le médecin de la maladie ». Le célèbre naturopathe allemand Louis Kuhne (1835-1901) et d’autres humanistes comme le père Sebastian Kneipp ont proposé des solutions efficaces, conjointes à la médecine de l’époque en difficulté face à la fièvre. La polémique actuelle est basée sur une vidéo d’Irène Grosjean datant de 2018. Condamne-t-on une technique ou une personne ? S’il s’agit d’une technique, il faut aller réveiller M. Kuhne ! Irène Grosjean et bien d’autres hygiénistes avant elle, dont Pierre-Valentin Marchesseau, invitent à remettre du vivant dans nos repas souvent dévitalisés. Que cela améliore nombre de troubles de santé, c’est évident.

Suite à cela, Doctolib a supprimé les comptes de 17 naturopathes. Pourquoi la plateforme ne peut-elle pas accueillir ces professionnels de santé ? La médecine naturelle dérange-t-elle à ce point ?

Il faudrait demander directement à Doctolib autour de quels critères leurs praticiens peuvent s’inscrire sur leur plateforme. Par ailleurs, cette plateforme n’est peut-être pas le bon choix pour les pratiques naturelles, simplement à cause de son nom ! « Docto »… Cela peut induire amalgame et confusion. Pourquoi pas « Naturolib » ? Allopathie et naturopathie sont deux univers différents. La médecine moderne s’occupe des maladies, les pratiques traditionnelles s’occupent du maintien de la santé. Inventons un ministère qui accueille ces pratiques ancestrales reconnues par l’OMS et arrêtons cette guerre puérile de légitimité. Mon confrère et ami Alain Rousseau propose de créer un « ministère de la Vie ». Pourquoi pas ? Nous inventerons alors des « plateformes dédiées » en cohérence avec nos métiers !

Pourriez-vous nous rappeler le cursus de formation classique en naturopathie, et comment reconnaître un bon naturopathe ?

Je me suis engagé il y a bien longtemps aux côtés de mon ami et confrère Daniel Kieffer au sein de la Fénahman (actuelle Féna) pour me battre à faire reconnaître la naturopathie. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’un bon praticien est celui qui consacre son énergie à développer son art au service des autres, sans critiquer les autres pratiques. Sur cette base « morale » bienveillante, on peut alors asseoir une bonne formation de praticien. Se former demande du temps : 2 à 4 ans, tout dépend des écoles, mais en aucun cas en quelques week-ends et sans stages pratiques. On peut comprendre l’inquiétude de certains face à des pseudo-praticiens qui n’ont aucune formation solide. Les centres de formation enregistrés auprès de la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et ayant reçu la certification Qualiopi, délivrée aux organismes de formation de qualité, permettent de faire un premier tri quant au professionnalisme des structures de formation. Cela n’empêche pas pour les autres de proposer des stages ou des ateliers, mais pas de formation professionnelle. À chacun ses talents. Les associations professionnelles comme l’Apnf (Association professionnelle des naturopathes francophones) ou l’Omnes (Organisation de la médecine naturelle et de l’éducation sanitaire) garantissent les cursus des praticiens agréés.

La pandémie de la Covid-19 s’est accompagnée de nombreuses fausses informations et théories complotistes : pourquoi la frontière entre santé naturelle et discours conspirationnistes est-elle si mince ?

Ce n’est pas en démantelant ce qui existe et dont nous profitons tous au passage chaque jour que nous arriverons à la résilience et à la coopération entre tous, nécessaire pour traverser les difficultés actuelles. Des panneaux solaires à côté de notre compteur électrique, c’est ça qu’il faut, pas « à la place », pas « forcément », pas « tout le temps ». Faisons la même chose avec nos pratiques complémentaires. Pasteur, sur son lit de mort, aurait reconnu que le microbe n’était pas tout, mais que le terrain était important aussi. Je ne veux pas attendre de mourir pour me dire que le microbe n’est pas rien et que le terrain n’est pas tout. Les deux sont importants. C’est là qu’existe le point de jonction entre médecine et naturopathie, sans être ni interchangeables, ni en contradiction, ni en concurrence. Une crise sanitaire abordée de cette façon pourrait donner de magnifiques résultats !

Selon vous, comment reconnaître une fake news en santé ?

Ma responsable de communication au CNR, Nathalie Marchand, répondrait : « Quand la source de l’info est nouvelle, non connue, vérifiez l’info. Demandez-vous à qui profiterait une fake news sur le sujet », et elle ajouterait « Faites la différence entre une fake new et une nouvelle qui dérange. » Pour ma part, je préciserais qu’il est nécessaire de faire appel à notre discernement afin de sentir ce qui résonne en nous comme évidence ou manipulation.

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Maria Nieves Castejon

infos : www.camarguecoquillages.fr