Réalisateur vidéo et micro-aventurier, Xavier a lancé sa chaîne YouTube d’aventures sauvages en France en 2017. Depuis 5 ans, il défend des voyages plus raisonnés, de proximité et tente de réenchanter le voyage à sa manière, de rendre positif et inspirant une approche écologique et soutenable du tourisme.

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Le rendez-vous du mois

Xavier Bourgois

Partir à l’aventure a longtemps signifié partir loin. Pourtant, on peut parfaitement la vivre sans parcourir le monde entier. C’est donc cela, l’essence de la micro-aventure ?

Oui, c’est vraiment reconnecter les citadins et les millenials (génération Y) à la nature en leur montrant qu’on n’a pas besoin d’aller en Mongolie ou au Népal pour se reconnecter à la nature, à soi-même et vivre une aventure. C’est rendre à nouveau la nature et la randonnée attirantes. Parce que, si l’on y réfléchit bien, la micro-aventure a toujours existé. Se balader en forêt, planter sa tente dans la nature, bivouaquer et marcher, il n’y a rien de nouveau à cela.

Des start-up, agences, offices de tourisme ou éditeurs se sont empressés de s’emparer de ce concept pour proposer des circuits clé en main, parfois payants. La micro-aventure serait-elle devenue un produit de consommation ?

La micro-aventure a énormément séduit les acteurs et les professionnels du tourisme. Personnellement, j’ai arrêté de croire qu’il y avait un modèle économique derrière ma démarche car partir à l’aventure, c’est improviser, c’est se débrouiller sans faire chauffer sa carte bleue, sans guide ou sans circuit bien balisé. Une aventure, ça s’invente, ça ne se duplique pas.

Descendre l’Orne 2-3 jours en kayak pour redécouvrir la Suisse normande, bivouaquer sur le plateau du Cézallier, voguer sur la Loire en radeau, passer un week-end nature dans la forêt de Fontainebleau… Quelle micro-aventure vous a laissé le souvenir le plus mémorable ?

Celles qui vous marquent le plus, ce sont les premières. En l’occurrence, pour moi, c’était passer une semaine en plein hiver dans les Vosges à vivre comme un trappeur dans des refuges non gardés, à couper mon bois pour me chauffer et marcher, me balader dans les alentours. Sylvain Tesson était parti 6 mois à 6 000 km en Sibérie, moi je suis parti 6 jours à 600 km dans les Vosges. J’ai pris la micro-aventure au mot.

Dans les vidéos, on vous voit aussi ramer contre vents et marées au cap de la Hague ou porter difficilement un sac pour vous rendre, justement, dans une cabane vosgienne. Vivre l’aventure, c’est aussi se mettre dans des situations inconfortables ?

Bien sûr, il y a de l’inconfort. Mais la société nous bichonne et nous assiste tellement que cela fait du bien d’avoir des décisions à prendre, de devoir se débrouiller seul, porter ses affaires, sa nourriture, trouver son eau et être confronté à des petits dangers. Quand on revient à la civilisation, tout nous semble facile et on redécouvre qu’il n’y a pas besoin de stresser et que nos problèmes ne sont pas de vrais problèmes. On prend confiance en soi, on est apaisé.

Si la micro-aventure grimpe en flèche, c’est parce qu’elle répond aux nouvelles préoccupations des voyageurs : écotourisme, tourisme local, réduction de l’empreinte carbone et retour à la nature. Mais, à l’échelle plus individuelle, qu’est-ce qui anime un·e micro-aventurier·ère ?

Déconnexion, simplicité, se prouver que l’on est capable, s’affranchir du tourisme de masse… Ajouter un peu d’incertitude et de danger à son voyage pour être là où personne n’a décidé d’aller car c’était incertain et bancal. Rompre avec l’assistanat des villes et être autonome le temps d’un long week-end. Retrouver confiance en soi en prenant des décisions. S’inventer des petites galères et voir si on est encore capable de les traverser. Partir quelques jours dans la nature seul ou avec un proche, c’est aussi couper avec toutes les sollicitations de la vie moderne et être confronté à sa propre compagnie, au silence, à l’ennui et voir si on est capable de se supporter soi-même dans ce vide de sollicitations. De la même manière qu’un confinement nous remet face à notre personne, cela m’a appris à me sentir bien avec moi-même, sans avoir besoin d’un téléphone, d’une série, d’une soirée entre amis pour être heureux.

L’été est là, quels conseils donneriez-vous à des lecteurs souhaitant expérimenter la micro-aventure ?

Allez voir les 25 idées d’aventures sauvages en France sur ma chaîne YouTube pour vous inspirer ! (Rires). Plus sérieusement, allez-y progressivement. Commencez par une petite rando de 10 km, plantez votre tente le soir, apprenez à cuisiner avec votre petit réchaud, testez votre équipement et revenez à la voiture le lendemain. Et petit à petit, une fois que vous savez dormir et manger dehors, augmentez les distances, partez pour 3 jours et 2 nuits, optez pour des itinéraires moins fréquentés, moins balisés. Et pour une meilleure immersion sauvage, partez en rando hors saison ou en semaine plutôt que le week-end. Pas besoin de poser 2 semaines de congés, 2 jours suffisent.

The Other Life est le nom de votre chaîne YouTube… Une autre vie, parallèle à nos vies ordinaires ?

C’est cela. Dans la vie urbaine ordinaire, on a réussi à nous convaincre que notre attention devait se porter sur ce compte rendu soi-disant important pour le boulot, sur la dernière série Netflix ou la gifle de Will Smith. Mais il y a une autre vie plus simple, plus authentique qui nous tend les bras en bas de chez nous… et on n’a pas besoin de s’appeler Mike Horn pour décider d’aller dormir dehors.

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Maria Nieves Castejon

infos : www.camarguecoquillages.fr