Le rendez-vous du mois

Fiore Longo

Votre association œuvre pour la sauvegarde des peuples autochtones à travers le monde et dont certains sont si isolés qu’ils ont peu, voire pas, d’interactions avec le monde extérieur. Concrètement, que signifie « peuples non contactés » et où se trouvent-ils majoritairement ?

Il y a plus de 100 peuples non contactés à travers le monde, dont la majorité en Amazonie. Ce sont des peuples autochtones qui n’ont pas de contact pacifique avec la société majoritaire. La plupart sont les survivants ou les descendants de survivants d’actes génocidaires commis dans le passé. Ils refusent aujourd’hui tout contact avec le monde extérieur tant les violences, les massacres et les épidémies, dont leur groupe a été victime, sont ancrés dans leur mémoire collective.

Les peuples non contactés ne sont pas des reliques primitives d’un passé révolu. Ils sont nos contemporains et représentent une part essentielle de la diversité de l’humanité. Malheureusement, des peuples non contactés entiers sont en train d’être anéantis par la violence génocidaire perpétrée par des intrus, qui volent leurs terres, leurs ressources et introduisent des maladies (malaria, varicelle, Covid-19).

En 2018, un Américain qui tentait d’approcher les Sentinelles, une tribu vieille de 60 000 ans dans l’océan Indien et complètement coupée du monde extérieur, est tombé sous les flèches de leurs archers. Les tentatives de contact peuvent avoir de graves conséquences, pour les touristes comme pour les membres d’une communauté.

Les peuples non contactés sont les peuples les plus vulnérables du monde. Ce sont eux qui sont surtout mis en danger par les tentatives de contacts forcés. Ils n’ont pas développé de défenses immunitaires contre des maladies comme la grippe ou la varicelle qui, si elles sont bénignes pour nous, peuvent les décimer. Survival International demande donc à ce que leurs terres soient protégées et que leur droit à demeurer isolés soit respecté. C’est la condition sine qua non pour que ces peuples – et les environnements dont ils dépendent – continuent à prospérer.

On dit que les peuples autochtones sont les meilleurs gardiens du monde naturel. Pourquoi ?

Pour les peuples autochtones, la terre, c’est la vie. Elle comble tous leurs besoins matériels et spirituels. La terre leur fournit nourriture, habitat et vêtements. Elle est aussi le fondement de l’identité et du sentiment d’appartenance des peuples autochtones. C’est normal alors qu’ils veuillent prendre soin d’elle ! Il est prouvé que les peuples autochtones comprennent et gèrent leur environnement mieux que quiconque. Ce sont 80 % de la biodiversité sur Terre qui se trouvent sur des territoires autochtones. Si nous voulons vraiment freiner la perte de biodiversité, la méthode la plus rapide, la moins coûteuse et la plus efficace est de soutenir autant de terres autochtones que possible, et de redonner à ces peuples le contrôle autant que possible de celles qui leur ont été volées.

Comment aidez-vous les peuples autochtones à défendre leurs droits territoriaux ? Des peuples ont-ils déjà refusé votre soutien ?

Pour défendre les peuples autochtones, avant tout, c’est nous qui devons changer ! Survival essaie de changer radicalement l’opinion publique, nous luttons contre le racisme, nous informons et sensibilisons le public, nous faisons pression sur les gouvernements, nous documentons et mettons en lumière les atrocités commises contre les autochtones – et agissons pour y mettre un terme. L’un de nos principaux critères pour choisir un cas clé de campagne est que les peuples autochtones qui voient leurs droits violés nous demandent notre aide. Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent faire, nous leur offrons une plate-forme pour parler au monde et les outils dont nous disposons pour défendre leurs droits, protéger leurs terres et déterminer leur propre avenir. Nous n’intervenons donc que lorsque nous sommes appelés ou sollicités.

Il y a un an, pour faire face au président Jair Bolsonaro, 47 tribus amazoniennes se sont réunies pour former une alliance afin de défendre leurs terres et leurs peuples. Quelle est aujourd’hui la situation au Brésil ?

Le président Jair Bolsonaro a déclaré la guerre aux peuples autochtones. Il essaie de faire marche arrière sur leurs droits. Il veut les dépouiller de leur autonomie, vendre leurs territoires pour l’exploitation forestière et minière, et les « assimiler » contre leur gré. De plus, son gouvernement favorise la propagation de la Covid-19 dans les territoires autochtones en ne les protégeant pas des envahisseurs et en bloquant les plans de soins de santé pour lutter contre le virus dans ces communautés.

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Maria Nieves Castejon

infos : www.camarguecoquillages.fr