Le rendez-vous du mois
Julien Kaibeck
Vous êtes l’inventeur du terme « Slow Cosmétique » qui a fondé le concept de consommation plus écologique de la beauté. Etes-vous affilié au mouvement Slow Food ? Parlez-nous brièvement des missions de votre association.
Oui, notre association Slow Cosmétique est proche du mouvement Slow Food. Elle a d’ailleurs son siège à Silly, une des rares municipalités de Belgique à être reconnue « Città Slow » et à implémenter dans ses décisions locales les principes de la Slow Food et du bien-vivre. La Slow Cosmétique est, tout comme la Slow Food, une marque déposée et gérée par une association internationale pour en défendre les principes : plus d’authenticité, un retour au vrai et au raisonnable, dans le respect du produit et des consommateurs. Notre association existe depuis 2012 et a initié un travail de sensibilisation des consommateurs dès 2013, avec des campagnes fortes contre les plastiques dans les cosmétiques par exemple, mais aussi avec notre label, la mention Slow Cosmétique.
A combien de marques cosmétiques avez-vous accordé la mention Slow Cosmétique à ce jour ? Quels sont ses critères d’obtention ?
Il y a aujourd’hui 210 marques qui portent la mention Slow Cosmétique dans le monde, dont plus de la moitié en France. Nous avons évalué plus de 400 marques depuis nos débuts. Nous travaillons comme le guide Michelin : nous n’avons pas de cahier des charges public mais notre grille d’évaluation est articulée autour des 4 piliers de la charte Slow Cosmétique publiée sur le site de l’association. Ainsi, une marque candidate est évaluée à la fois sur ses formules mais aussi sur son marketing et son modèle économique. Cette marque est-elle écologique, non polluante ? est-elle saine, bonne pour la santé ? répond-elle aux besoins de la peau de façon intelligente, sans formules à rallonge ni brevets inutiles ? enfin, est-elle raisonnable dans ses allégations et son marketing ? La mention Slow Cosmétique est le seul label qui examine non seulement les ingrédients utilisés dans les produits, mais aussi les promesses d’une marque, sa publicité et la façon dont elle se promeut auprès des consommateurs à travers ses produits.
Toutes ces marques récompensées doivent-elles obligatoirement être certifiées bio ? Et a contrario pourquoi n’y trouve-t-on pas toutes les marques bio ?
Etre certifiée bio permet à une marque de gagner des points importants lors de l’évaluation car les labels bio sont une garantie de naturalité des formules et surtout d’absence d’ingrédients pétrochimiques, plastique ou polémiques pour la santé et l’environnement. Voilà pourquoi beaucoup de marques Slow Cosmétique sont également bio. Par contre, certaines marques bio sont détenues par de grands groupes, dont le modèle économique est plus axé sur le profit pur que sur la qualité d’un produit, ou bien dont la publicité incite à la surconsommation. Dans ce cas, la marque, même bio, n’est pas félicitée. Il en va de même pour les marques certifiées bio dont les formules contiennent trop d’ingrédients de remplissage, comme l’eau ou les huiles estérifiées, voire hydrogénées, ce qui est dommage.
Vous dénoncez les diktats marketing des grandes marques de cosmétique. Encore de l’écoblanchiment ?
Oui, les grandes marques cosmétiques conventionnelles font encore et toujours beaucoup de « greenwashing ». C’est, à vrai dire, encore pire qu’avant car les marques ont compris l’intérêt du consommateur pour le naturel. Nous dénonçons les produits faussement écologiques ou verts, en agissant surtout via les réseaux sociaux, en décryptant simplement les listes d’ingrédients ou en rappelant au consommateur que tout compte : les emballages, les présentoirs, les panneaux publicitaires éphémères, etc. Rien de plus incongru que de voir des marques de shampoings ou savons se dire « naturelles » alors que les produits contiennent de l’EDTA et que tout l’attirail marketing est ultra-conventionnel, avec son lot de plastiques non recyclables par exemple.
Vous venez de parrainer la campagne « La Slow Cosmétique vit près de chez vous ! », qui a démarré en juin et où vous mettez, entre autres, l’accent sur les « nouveaux gestes cosmétiques ». Un premier bilan ?
La Slow Cosmétique encourage en effet les consommateurs à prendre conscience des talents cosmétiques « locaux », qui existent partout en France. Après l’Occitanie l’an dernier, nous avons mis en avant en juin des produits de la région PACA-Corse, des terroirs de choix pour la cosmétique vraiment naturelle. Les consommateurs reviennent à l’essentiel, et cela les incite à de nouveaux gestes comme l’utilisation d’un savon à froid pour la toilette ou d’un shampoing solide et zéro déchet pour les cheveux. C’est très encourageant car la salle de bains se fait alors plus écologique, tout en soutenant l’artisanat local ou les très petites entreprises (TPE) innovantes du réseau Slow Cosmétique.