Le rendez-vous du mois
Claude Didierjean-Jouveau
Le film Pour une naissance sans violence, de Frédérick Leboyer, sorti en 1974, fut pour vous un déclic. C’est alors que vous assistez à une première réunion de La Leche League. Racontez-nous vos premiers pas dans cette association.
J’ai bien assisté à une projection du film de Leboyer en 1974 mais je n’ai connu La Leche League (LLL) qu’en 1976, par un flyer trouvé sur un stand de vente de porte-bébé, au premier salon Marjolaine, alors que j’étais enceinte de mon premier enfant. J’ai vécu un premier allaitement « toute seule dans mon coin », sans rencontrer de problèmes et sans éprouver le besoin ni l’envie de contacter LLL. Et ce n’est qu’en 1979 que j’ai assisté à ma première réunion, alors que je n’étais ni enceinte ni en train d’allaiter !
Vous qui avez allaité vos trois fils, comment l’allaitement maternel était-il perçu à cette époque ? Cette pratique était-elle encouragée ?
C’est lors de cette première réunion, et de toutes celles qui ont suivi, que je me suis rendu compte que si, moi, je n’avais pas rencontré de problèmes, beaucoup en rencontraient. En 1976, le taux d’allaitement à la naissance était de 43 % (il est aujourd’hui de 67 %) et bien peu dépassaient les toutes premières semaines. Allaiter comme je l’avais fait, plus de trois mois (et notamment après la reprise du travail), relevait de l’exploit ou plutôt de la bizarrerie (suspecte qui plus est !).
En 2010 tombe « l’affaire Badinter », qui désoriente plus d’une maman. De quoi s’agit-il ?
Dans son livre Le Conflit, la femme et la mère, Elisabeth Badinter présentait une image caricaturale de la mère « naturaliste » et écolo, rivée à son foyer et soumise à « l’imperium » du bébé, passant ses journées à l’allaiter jusqu’à plus soif en souffrant mille morts, à laver ses couches lavables et à lui cuisiner des brocolis bio, tout cela à cause de « l’intolérable pression exercée par la toute-puissante (!) LLL ». Cela a pu détourner certaines femmes de l’allaitement et en empêcher d’autres de contacter LLL en cas de problème…
Est-il plus facile d’allaiter aujourd’hui ? En quoi La Leche League a-t-elle pris part à cette évolution ?
Il est effectivement plus facile d’allaiter aujourd’hui car la (bonne) information est plus facilement accessible, notamment grâce à Internet, de même que le soutien : soutien dans les associations de parents mais aussi soutien virtuel (forums, groupes Facebook…).
La Leche League a bien sûr grandement contribué à cette évolution, que ce soit par son action au jour le jour auprès des mères qui la contactent, par la diffusion d’informations (brochures, revues, livres et site Internet, qui compte plus de 10 000 visites par jour) et par son action au niveau international (LLL occupe un statut consultatif auprès de l’Unicef et entretient des relations de travail officielles avec l’OMS).
Comment concilier allaitement et travail ?
Il est tout à fait possible de continuer à allaiter après la reprise du travail. Avec des modalités diverses, à cumuler ou non.
On peut juste continuer à allaiter dès qu’on a l’enfant avec soi (matin, soir, nuit, jours de congé, vacances…). Pendant les périodes où il est gardé, il recevra, selon son âge, du lait artificiel et/ou des solides.
On peut, si l’enfant est gardé non loin du lieu de travail, voire sur le lieu de travail, aller l’allaiter dans la journée.
Enfin, on peut, si l’on souhaite qu’il continue à bénéficier d’un allaitement exclusif, tirer son lait, pour qu’il lui soit donné par les personnes qui le gardent.
Le Code du travail prévoit que « pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d’une heure par jour pendant les heures de travail » (articles L. 1225-30 à L. 1225-32).
En deux mots, pouvez-vous nous rappeler les multiples bienfaits de l’allaitement maternel ?
Pas facile en deux mots ! Innombrables sont les études qui montrent les avantages de l’allaitement pour la santé de l’enfant à court terme (moins de maladies gastro-intestinales, d’affections ORL…) et à long terme (prévention de l’obésité, du diabète, de certains cancers, meilleur développement neurologique, etc.). Sans compter les avantages pour la mère (diminution du risque de cancer du sein, de diabète, d’hypertension…).
La Leche League fonctionne de manière décentralisée, par le biais d’un réseau d’animatrices sur tout le territoire. Quel est leur rôle ?
Les animatrices sont là pour apporter informations et soutien. Leur mission consiste à répondre au téléphone ou aux messages électroniques, et à animer des réunions sur l’allaitement et le maternage.
Membre de nombreuses associations, animatrice LLL, rédactrice en chef d’Allaiter aujourd’hui, auteur à succès de livres sur la petite enfance, avec notamment votre dernier-né L’allaitement de A à Z, vous ne chômez pas…
Et je ne compte pas m’arrêter demain ! Je suis toujours aussi passionnée par le sujet, que ce soit au niveau des connaissances (on découvre tous les jours de nouvelles choses sur l’allaitement et le lait maternel) ou pour aider une femme à réussir son projet d’allaitement.