Le rendez-vous du mois

Christian Arthur

Retracez-nous brièvement l’historique de la SFEPM, ses membres, ses missions principales.

La SFEPM est née en 1977 à l’occasion d’un colloque sur la nature tenu au Creusot. L’Etat français venait de lancer le programme ZNIEFF, avec pour but d’inventorier les espèces, et les naturalistes rassemblés se sont fait la remarque que l’on connaissait peu de choses sur les mammifères sauvages de France. Quelqu’un a lancé l’idée de faire un atlas, qui était alors la chose la plus « évidente ». Pour porter ce projet, il a été décidé de créer la SFEPM, ce qui a été fait en 1978. Notre positionnement est d’abord et avant tout technique et scientifique, même si nous pouvons avoir recours au juridique pour faire valoir notre expertise. Notre objectif c’est le vivre-ensemble, humains et mammifères sauvages.

 

La SFEPM organise chaque année deux événements phares : le Printemps des castors et la Nuit Internationale de la chauve-souris. En quoi consistent-t-ils ? Ont-ils été annulés cette année ?

Il s’agit de sensibiliser les gens à la présence d’espèces communes, qui sont là, dont on parle peu parce que moins médiatiques que d’autres, qui vivent à côté de nous mais qu’on ne voit pas, ou plutôt qu’on ne sait pas voir. Les associations régionales qui adhèrent à la SFEPM relayent et organisent des journées durant lesquelles elles montrent à tous les publics ce que sont ces espèces, à la fois par des conférences et, plus important, par des sorties sur le terrain pour leur « faire sentir » l’espèce.

Si le Printemps des castors a été annulé cette année, nous espérons pouvoir réaliser des sorties pour la Nuit de la chauve-souris, même si les conditions seront plus difficiles.

 

A travers la campagne « Refuge pour les chauves-souris », vous encouragez les particuliers à accueillir ces petits mammifères. Pourtant, ils sont soupçonnés d’être à l’origine de la pandémie du Covid-19. Que leur répondez-vous ?

Si le virus à l’origine du Covid-19 est proche à 90 % au plan génétique d’un virus trouvé chez des chauves-souris, il faut toutefois faire attention à ce type d’information. Humains et chimpanzés partagent 98 % de leurs gènes et personne ne nous confond ! Ce virus serait passé d’une chauve-souris à un autre animal (pangolin ?) puis à l’homme. Il est maintenant adapté à l’homme et n’a plus besoin ni de chauve-souris ni de pangolin pour vivre. Ce qu’il faut incriminer, ce n’est ni la chauve-souris ni le pangolin, c’est l’homme qui a permis, par la déforestation, le commerce d’animaux comme sur les marchés chinois, à un virus de chauve-souris de pouvoir passer de l’un à l’autre puis à l’homme. Le virus, lui, ne veut que « vivre » et évolue pour cela en profitant de toutes les occasions. Ce n’est pas en tuant le « messager » que l’on résout le problème. Ce virus n’est, quant à lui, pas présent chez les chauves-souris européennes.

 

Que vous inspire la découverte d’un ours retrouvé mort, tué par balles, le 9 juin dernier en Ariège ?

Ce n’est malheureusement pas un acte inattendu, il traduit un état d’esprit et surtout un sentiment d’impunité de la part de certaines personnes qui se croient libres de pouvoir agir hors la loi. Il y a là à la fois le renoncement à un état de droit de la part de l’Etat et une détérioration du vivre-ensemble, exacerbée par de petits groupes d’individus qui agissent comme des groupes de pression. Les violences physiques, verbales et autres à l’égard des pro-ours, réalisées parfois devant des forces de l’ordre qui restent impassibles, ont trouvé leur exutoire dans cet acte inadmissible.

 

Votre collaborateur Pierre Rigaux a reçu des menaces et fait l’objet de violences physiques pour avoir dénoncé certains abus de la chasse. Que s’est-il passé ? La SFEPM est-elle anti-chasse ?

La chasse pose deux questions : est-ce moral et la société peut-elle autoriser certaines personnes à tuer un animal sauvage ? Ce n’est pas à la SFEPM mais à la société de répondre. Si la société répond oui, il faut alors définir les conditions de cette activité. La chasse est une activité de loisir (elle ne peut plus prétendre être une activité de subsistance), basée sur l’exploitation d’une ressource naturelle, la faune sauvage, au profit d’une catégorie de personnes, les chasseurs. Le problème, c’est que cette ressource n’est pas leur propriété, c’est un bien vivant commun à tous, et donc son exploitation, pour la SFEPM, ne peut se faire qu’à deux conditions. D’une part, ne pas mettre des espèces en danger : on ne chasse que les espèces qui peuvent supporter un prélèvement (sans les élever dans ce but : pas de gibier de tir !), et on ne tue pas d’autres espèces au prétexte qu’elles prélèvent une partie des espèces gibier : cas des espèces dites « nuisibles ». D’autre part, le prélèvement doit se faire avec le minimum de souffrance pour l’animal. Et l’excuse de la régulation des espèces pour limiter les dégâts aux cultures n’est plus admissible ; il existe des moyens pour protéger les cultures, tant agricoles que forestières.