Le rendez-vous du mois

Nicolas Hulot

En tant que ministre de la Transition écologique et solidaire, quel message souhaitez-vous transmettre aux Français pour « consommer mieux » ?

Mon engagement sur la question du « manger mieux » n’est un secret pour personne. Au-delà du ministre que je suis, il s’agit d’une position de citoyen et de père de famille. Je me soucie à la fois de la préservation des ressources que nous offre la terre mais également des problématiques sanitaires liées à l’alimentation. En effet, le lien entre santé et alimentation existe. Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit mais les scientifiques eux-mêmes. Il est aujourd’hui primordial de se saisir de cet enjeu de santé publique, qui nous touche tous, chaque jour.

Nous savons par ailleurs que l’agriculture intensive repose sur l’utilisation croissante d’intrants (semences, engrais et produits phytosanitaires). Ce qui apparaissait comme un progrès il y a 30 ans a désormais atteint ses limites. Nous avons épuisé nos ressources et dégradé notre biodiversité. Les enjeux climatiques nous poussent aujourd’hui à repenser en profondeur notre système agricole et, par extension, notre système de consommation mais également de distribution. Le circuit-court par exemple doit se développer car il est bénéfique à la fois pour le consommateur et pour le producteur. Nous souhaitons le développer à travers la commande publique.

Mes engagements en la matière ne s’opposent pas à ma fonction de ministre. Je savais qu’il y aurait des oppositions, des confrontations, des débats. Mais aussi des victoires et des avancées. C’est pour cela que j’ai accepté ce poste.

Les Etats généraux de l’alimentation (EGA) sont un parfait exemple de ces lieux de dialogue qui doivent mener vers des solutions.

Certains producteurs bio vont perdre leurs aides. Comment concilier votre périmètre de compétence avec celui du ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert ?

Mon ministère veille à l’impact environnemental des politiques agricoles et alimentaires à l’échelle nationale et européenne. Il apporte notamment son aide au ministère de l’Agriculture sur le développement de l’agriculture biologique.

Ainsi, les périmètres de compétence sont clairement définis entre le ministre de l’Agriculture et moi-même. Mais il nous faut travailler de concert pour aboutir à une politique agricole équitable pour tous.

On veut nous opposer mais nos deux ministères sont plus que jamais unis autour d’un objectif commun : faire émerger des solutions durables dans le cadre des EGA. Mon ministère a pris toute sa part dans ces débats et a organisé les EGA avec la volonté certaine de penser intelligemment le modèle agricole de demain, de réconcilier producteurs et consommateurs, de penser l’emploi dans l’agriculture de demain.

Il faut désormais que chaque citoyen prenne connaissance des solutions et s’en saisisse. J’invite chaque Français à être partie prenante du changement de modèle.

S’agissant des aides, il a fallu arbitrer et nous l’avons fait en faveur de la conversion dans l’agriculture biologique. On veut inciter de plus en plus d’agriculteurs à s’engager dans ce mode de production. Je tiens à souligner que les aides au maintien ne sont pas pour autant supprimées comme je l’ai beaucoup lu. Elles seront ciblées et priorisées vers des zones géographiques à fort enjeu environnemental par exemple.

Il faudra cependant échanger à un niveau européen pour réformer la politique agricole commune. Ce sujet va au-delà de nos seules frontières. Il faut proposer une vision commune pour que les agriculteurs français ne soient pas lésés vis-à-vis des producteurs européens.

La France vient de dire non au glyphosate, l’herbicide le plus répandu. Quels sont vos arguments ?

Je l’ai beaucoup dit : il nous faut garantir une offre alimentaire de qualité pour tous les Français.

Aujourd’hui, les scientifiques s’accordent sur les phénomènes de bioaccumulation, qui s’additionnent aux effets cocktails. Des faisceaux de présomptions inquiétants existent sur certaines substances et les pouvoirs publics ne peuvent plus l’ignorer.

Au regard des éléments d’expertise existants, le principe de précaution plaide pour une interdiction à court terme des produits à base de glyphosate. On ne peut pas attendre, devant des risques qui touchent à la fois consommateurs et agriculteurs. Nous avons la responsabilité d’agir avant que les dégâts ne soient irréparables. Ne prenons pas le risque d’être spectateurs du scandale, comme on le fut notamment pendant les débats sur l’amiante. C’est pourquoi le Gouvernement vote contre la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour 10 ans.

J’insiste sur un point : au-delà des risques sanitaires, on oublie que ces produits appauvrissent également nos ressources, nos sols et mettent en péril notre biodiversité.

Nous devons donc nous inscrire dans un processus de sortie rapide du glyphosate et plus largement des produits les plus dangereux. Cette contrainte obligera à innover, trouver des alternatives, des composants efficaces mais non nocifs. C’est d’ailleurs dans cette perspective que nous augmentons le budget alloué à la recherche. Car il faut nécessairement apporter des solutions aux agriculteurs pour que le changement se fasse sans brutalité pour eux, comme pour les consommateurs.

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Marianne Pastre

Journaliste et praticienne de santé.

infos : www.viesanterieuresetloidattraction.e-monsite.com