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Protéger les lanceurs d’alerte

De nombreuses affaires sur des produits toxiques (amiante, pesticides), des médicaments (Mediator), l’évasion fiscale (Luxleaks, Panama papers, Football leaks), la maltraitance d’animaux (abattoirs) ont sensibilisé l’opinion publique sur l’ampleur de la corruption et la nécessaire protection de l’alerte.

Une soixantaine de pays bénéficient de dispositifs pour les lanceurs et lanceuses d’alerte. En France, six lois ont été adoptées entre 2007 et 2015, traduites notamment dans le Code du travail ou de la santé publique. Ainsi, un agent public « qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Les salariés peuvent dénoncer un « fait de corruption » sans risquer de perdre leur poste. Les personnes qui préviennent un « risque grave pour la santé publique ou l’environnement » sont protégées, en avertissant au préalable leur employeur.

La loi relative à la Transparence, à la Lutte contre la corruption et à la Modernisation de la vie économique (loi Sapin 2) crée une Agence française anti-corruption (AFA), qui remplace l’actuel Service central de prévention de la corruption (SCPC), avec des missions de recommandations et de contrôle des procédures de prévention et détection des faits de corruption, avec possibilité de sanctions financières. Mais l’AFA ne sera pas une autorité administrative indépendante car elle reste placée sous la tutelle des ministères de la Justice et de l’Economie.

La loi renforce la protection des lanceurs d’alerte, avec une définition unifiée : « Toute personne qui révèle, dans l’intérêt général et de bonne foi, un crime ou un délit, un manquement grave à la loi ou au règlement, ou des faits qui présentent des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publique, ou qui témoigne de tels agissements ». Au-delà de la dénonciation de faits illégaux, le lancement d’alerte s’élargit donc à l’exercice du principe de précaution. Sont exclus de cette protection les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.

La procédure de signalement de l’alerte est organisée en trois paliers successifs : en direction de l’employeur, puis d’une autorité administrative ou judiciaire et, enfin, en l’absence de traitement au bout de trois mois, auprès du public. En cas de danger « grave et imminent », en présence « d’un risque de dommages irréversibles », il est possible d’alerter immédiatement l’autorité ou le public. Les entreprises d’au moins cinquante salariés et les collectivités territoriales devront établir des procédures de recueil des alertes émises par leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels. Le Défenseur des droits peut orienter les lanceurs et lanceuses d’alerte vers les autorités appropriées mais pas leur apporter de soutien financier. L’Agence anti-corruption pourra prendre en charge les frais de justice de lanceurs d’alerte subissant « des attaques ou sanctions injustifiées ». Le juge administratif peut ordonner la réintégration d’un agent public victime d’une mesure de représailles pour lancement d’une alerte. Un délit d’entrave au signalement est créé. D’un autre côté, la loi prévoit des garanties contre des dénonciations abusives : le signalement doit être de bonne foi et désintéressé ; l’anonymat des personnes visées, garanti jusqu’à ce que le bien-fondé de l’alerte soit établi ; les sanctions contre la dénonciation calomnieuse, élargies.

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Yveline Nicolas

Coordinatrice d’Adéquations, association de sensibilisation, formation et soutien de projets en matière de développement durable, solidarité internationale, droits humains

infos : www.adequations.org